Question écrite n° 11242 posée par M. Jacques BIGOT (du Bas-Rhin – SOCR) publiée dans le JO Sénat du 04/07/2019
M. Jacques Bigot attire l’attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur l’articulation entre les aides financières délivrées aux organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) par la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) en cas de difficultés et la garantie de soutenabilité financière devant être mise en place par les sociétés anonyme de coordination (SAC) prévues à l’article L. 423-1-2 du code de la construction et de l’habitation. La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a introduit la notion de solidarité financière entre membres d’une même société de coordination. La CGLLS pourrait au vu de cette solidarité nouvelle entre organismes membres d’une société de coordination vouloir redéfinir ses règles d’intervention selon, d’une part, le mode de traitement qu’elle accorderait à un organisme d’HLM en difficulté qui appartiendrait ou non à un groupe d’organismes de logement social, et selon, d’autre part, le caractère prioritaire ou subsidiaire de l’aide apportée par la société de coordination au titre de la solidarité financière. En conséquence, alors que de nombreux organismes d’HLM se sont impliqués dans la création de sociétés de coordination, il lui demande de bien vouloir clarifier l’articulation de ces différents dispositifs d’aides aux organismes d’HLM en difficultés.
Réponse
de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement publiée dans le JO Sénat du 10/10/2019
La société de coordination, nouveau type d’organisme d’habitations à loyer modéré (HLM), créée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi Élan), voit son objet défini à l’article L. 423-1-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Au regard des problématiques évoquées par l’honorable parlementaire, dans le cadre des débats parlementaires, la notion de « soutenabilité financière » a été préférée à celle de « solidarité financière », initialement proposée. Plus précisément, la société de coordination doit « prendre les mesures nécessaires pour garantir la soutenabilité financière du groupe ainsi que de chacun des organismes qui le constituent, autres que les collectivités territoriales et leurs groupements. Elle peut notamment décider d’interdire ou de limiter la distribution du résultat ou la réalisation d’un investissement. Lorsque la situation financière d’un organisme le justifie, elle peut le mettre en demeure de lui présenter les mesures qu’il s’engage à prendre en vue de remédier à sa situation dans un délai raisonnable. À défaut de rétablissement de la situation, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, elle peut, après avoir au préalable consulté les organes dirigeants de l’organisme concerné, décider la cession totale ou partielle du patrimoine de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe. Lorsque cette cession concerne des organismes mentionnés aux articles L. 365-2 et L. 481-1, elle ne peut viser que les logements locatifs conventionnés en application de l’article L. 351-2. » C’est pourquoi, outre la pertinence du projet économique et éventuellement la cohérence géographique, chaque projet de création de société de coordination sera aussi évalué à l’aune de sa soutenabilité financière et de la volonté des associés de travailler ensemble et d’assurer une cohérence de décision. La soutenabilité financière d’un organisme HLM est définie comme la capacité à dégager des ressources suffisantes pour honorer ses engagements à court, moyen et long terme, c’est-à-dire la capacité à rembourser sa dette et à réaliser les investissements nécessaires à l’accomplissement de son plan stratégique de patrimoine (PSP). Les ressources financières disponibles pour investir sont assimilées dans le secteur HLM au potentiel financier, alimenté notamment par l’autofinancement d’exploitation dégagé par l’organisme chaque année. En outre, le législateur a confié également pour mission à la société de coordination « d’assurer le contrôle de gestion des associés, d’établir et de publier des comptes combinés et de porter à la connaissance de l’organe délibérant les documents individuels de situation de ses associés mentionnés aux articles L. 365-2, L. 411-2 et L. 481-1. » Ainsi, la société de coordination disposera des outils et informations nécessaires au suivi de la soutenabilité financière de chacun de ses associés, notamment au travers de projections financières et des résultats d’exploitation. L’article L. 452-1 du CCH confie pour partie des missions similaires à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) qui « contribue, notamment par des concours financiers, à la prévention des difficultés financières et au redressement des organismes d’habitations à loyer modéré, des sociétés d’économie mixte et des organismes bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 pour ce qui concerne leur activité locative sociale, pour leur permettre en particulier d’assurer la qualité de l’habitat. » Cette disposition se matérialise par les protocoles d’aide au rétablissement de l’équilibre et à la consolidation dont peuvent bénéficier les organismes de logement social. La procédure d’aide validée par le conseil d’administration de la CGLLS prévoit que l’éligibilité est déterminée par l’étude de projections financières faisant l’objet d’hypothèses normées et de retraitements, afin de déterminer si l’organisme relève d’une procédure de : « rétablissement de l’équilibre, notamment parce que la situation financière est caractérisée par l’incapacité pour l’organisme de remplir son rôle dans l’état actuel de sa situation financière avec ou sans prise en compte de son PSP ; ou de consolidation, notamment parce que la situation financière est fragile et marquée par une insuffisance de potentiel financier et/ou d’autofinancement de l’exploitation. » Le régime des aides de la CGLLS datant de 2008, et les sociétés de coordination étant en cours de création pour être ensuite agréées, il devra bien entendu être revu rapidement, en lien très étroit avec l’État et bien sûr le secteur HLM. La réflexion devra prendre en compte l’évolution en cours de l’organisation du secteur, avec la constitution de groupes d’organismes de logement social permettant d’accroître la solidité financière du secteur et la capacité à investir dans la réhabilitation, la rénovation énergétique et la production de logements sociaux pour nos concitoyens, mais aussi prendre en compte la dynamique nécessaire à la constitution de ces regroupements, qui ne peut s’accommoder d’une défiance entre organismes au regard de leur situation financière respective initiale. Elle devra redéfinir, sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui, un nouvel équilibre entre les mesures de redressement interne, les mesures de soutien des actionnaires, collectivités et éventuellement des autres membres du groupe et également la solidarité nationale qu’exerce cette caisse de garantie. En tout état de cause, comme l’a exprimé le Gouvernement lors des débats parlementaires de la loi Elan, il n’est pas prévu d’organiser de solidarité financière forcée entre membres d’un groupe dans ce nouveau cadre.