Les organismes HLM affrontèrent une nouvelle donne économique que la réforme du financement du logement de 1977 n’avait pas envisagée. Conçue dans l’espoir d’une croissance retrouvée qui devait en principe entrainer sa disparition, l’aide à la personne a connu une ascension vertigineuse au détriment de l’aide à la pierre : d’aide compensatoire, elle s’est transformée en un instrument de lutte contre l’exclusion sociale avec la paupérisation d’une partie croissante de la population.
Dans le même temps, la déréglementation du marché financier, l’affirmation d’une culture de marché et la décentralisation administrative ont modifié sensiblement les conditions d’exercice de la politique de l’habitat. Dans un tel contexte, les sociétés anonymes jouèrent résolument la carte de la modernisation en assumant, dans le droit fil de leurs statuts et de leurs objectifs sociaux, la responsabilité financière de leur action en développant leur champ d’intervention.
La modernisation des SA impliquait la reconnaissance de leur spécificité, comme devait le demander Jacques Richard (président de la Fédération nationale des SA et fondations d’HLM de 1975 à 1983) au Ministre de l’équipement de l’époque à l’Assemblée générale de 1982 : « les SA souhaitent que vous leur reconnaissiez leur spécificité de société, dans le cadre d’une déontologie du logement social ; que vous laissiez à leurs dirigeants leur responsabilité pleine et entière des décisions qu’ils jugent utiles de prendre pour l’avenir des organismes ; que vous leur fassiez confiance pour mettre en œuvre votre politique de l’habitat en liaison avec les pouvoirs publics et les représentants de la vie locale ». D’où la référence de plus en plus fréquente, à la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et ce glissement dans le discours de la notion de « service public » vers la notion « de mission d’intérêt général ».
Affaire de gestion, la modernisation des sociétés anonymes et aussi affaire de partenariat. C’est naturellement avec les collectivités locales que l’évolution est la plus nette. La décentralisation en œuvre depuis le début des années 1980 a incité les SA d’HLM à resserrer quotidiennement leurs liens avec les collectivités locales.
Les SA se sont attachées à adapter leur organisation, leur compétence et leur savoir faire, pour développer des relations personnalisées avec leurs locataires-clients, être mieux à l’écoute de leurs besoins, et améliorer la professionnalisation des réponses à apporter à leurs attentes. Elles ont tissé des liens avec le milieu associatif au point de former de véritables réseaux de solidarité locales. Les initiatives prises par les SA se développent et donnent naissance à de nouvelles pratiques sociales. La gestion locative évolue : la gestion de proximité s’affine, le recrutement des conseils sociaux devient pratique courante, des animateurs de quartiers, des agents d’ambiance assurent leur tâche d’accompagnement social, en relation avec les gardiens qui sont devenus de véritables médiateurs sociaux. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une évolution conforme au projet social des origines : le logement ne garantit pas l’insertion, mais il en est une condition essentielle. Loger ne suffit plus, il faut travailler à l’insertion des habitants.
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